L’APPLICABILITE DES NORMES INTERNATIONALES DANS LE SYSTEME JURIDIQUE IVOIRIEN
Le droit international se compose d’un chœur de règles juridiques, de portée international, qui s’attèlent à animer la vie juridique des sujets de droit international.

Par : Behibro jean-jaures KOUASSI, étudiant en master droit public.
L’APPLICABILITE DES NORMES INTERNATIONALES DANS LE SYSTEME JURIDIQUE IVOIRIEN

L’on accorde généralement au droit international, la vocation de procéder à l’organisation structurelle et fonctionnelle de la société internationale ; tout en assurant la régularisation et la licéité des actions qui s’y mènent et des liens qui s’y nouent.

En parlant donc de droit international on pourrait se rabattre à la simple considération que le droit international se compose d’un chœur de règles juridiques, de portée international, qui s’attèlent à animer la vie juridique des sujets de droit international.

Concurremment à ses rapports avec la société internationale, le droit international intervient également dans la prohibition, la prescription et la permission des actions des personnes (physique ou morale ; privée ou public) qui composent la société dite « nationale ». 


En ce sens, des normes de droit international s’appliquent ou peuvent s’appliquer dans les systèmes juridiques internes des Etats, en l’occurrence le système juridique ivoirien qui fait principalement l’objet de cet article.

Mais comment ces normes internationales intègrent t’elles l’ordre juridique ivoirien ? Quel est le mécanisme applicable ? Quelles sont les conditions d’applicabilité des normes internationales en droit ivoirien ?

Pour apporter plus de lumière à ces interrogations nous verrons successivement se dessiner l’application du principe de l’applicabilité directe (I) et les conditions d’applicabilités (II)

I. L’APPLICATION DU PRINCIPE DE L’APPLICABILITE DIRECTE

La réception du droit international en droit ivoirien se fait par le biais de l’application du principe de l’applicabilité directe ou immédiate. Ce principe présente une signification bisémique (A) et est tributaire du monisme (B)

A. LA SIGNIFICATION DU PRINCIPE DE L’APPLICABILITE DIRECTE
Le principe de l’applicabilité directe se définit selon deux conceptions : une conception organique et une conception matérielle.

Dans sa conception matérielle, ce principe se définit comme l’hypothèse où le droit international pénètre tel quel dans l’ordre juridique interne. 

Ainsi le droit international et droit interne ne formerait qu’un seul système. 
Il n’y a donc pas besoin du vote d’une loi particulière pour que la norme internationale pénètre dans l’ordre interne. 
Quant à la conception organique, une norme est d’applicabilité directe lorsqu’elle fait naitre en droit interne des droits au profit des personnes physiques ou morales. 
Ceci permet aux bénéficiaires d’invoquer des normes internationales devant les juridictions internes ; soit ils l’invoquent horizontalement soit ils l’invoquent verticalement.

- L’applicabilité directe horizontale : le particulier invoque un traité international à l’encontre d’un autre particulier. C’est ce qu’on appelle la Drittwerckung[1].

- L’applicabilité directe verticale : lorsqu’un individu invoque une norme international à l’encontre d’une collectivité publique (Etat, collectivités territoriales, EPA)

B. L’ORIGINE DU PRINCIPE DE L’APPLICABILITE DIRECTE
L’applicabilité directe ou immédiate tire principalement sa source des hypothèses doctrinales monistes. 
Ce principe brise toutes les frontières et les obstacles empêchant l’unité de l’ordre juridique international et l’ordre juridique interne. C’est justement cette abolition des frontières entre ces deux ordres que les tenants du monisme mettent en exergue pour contrecarrer les idéologies dualistes adverses, dans cette guerre d’idéologies[2].

En effet l’analyse et l’exégèse des rapports existant entre l’ordre juridique international et l’ordre juridique interne ont longtemps opposé les défenseurs du dualisme[3] à ceux du monisme. 

Selon les dualistes, il y a une dualité absolue entre l'ordre juridique interne et l'ordre juridique international. 
Chacun constitue un ensemble autonome et sans lien possible avec l'autre. 
Quant aux monistes[4], ils soutiennent que l’ordre international et l’ordre interne ne forment qu’un seul système (cas de la cote d’ivoire).

II. LES CONDITIONS DE L’APPLICABILITE DES NORMES INTERNATIONALES EN DROIT IVOIRIEN
La norme internationale doit remplir certaines conditions. Celles-ci se rapportent soit au droit ivoirien (A) soit au droit international (B).

A. LES CONDITIONS INTERNES AU DROIT IVOIRIEN

L’applicabilité des normes internationales en droit ivoirien dépend de la position constitutionnelle de la Cote d’ivoire vis-à-vis des rapports entre l’ordre juridique international et son ordre juridique. La norme internationale s’applique dans l’ordre juridique interne qu’avec le consentement de la cote d’ivoire. 
Ce consentement est une condition sine qua non et s’impose généralement par le biais de la constitution. 
La norme internationale, même remplissant les conditions externes, ne peut être invoquée en droit interne ivoirien si la constitution ne l’a pas expressément indiqué.

L’article 123 de la constitution ivoirienne de 2016 met en exergue la volonté de la cote d’ivoire de voir s’appliquer, dans son système juridique interne, des normes de droit international. 

Cet article dispose que : « les traités ou accords régulièrement ratifies ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traite ou accord, de son application par l’autre partie ». 
Il suit de la que trois (3) conditions spécifiques doivent également être remplir :

- La ratification : elle est prévue par l’article 119 de la constitution de 2016. Ainsi « le président de la république négocie et signe les traites et accord internationaux ». 
Toutefois « (…) les traites ou accords qui modifient les lois internes ne peuvent être ratifiées qu’avec une loi[5]», dite loi de ratification. Celle-ci doit être contrôlée par le conseil constitutionnel.
- La publication de la norme internationale : elle consiste à afficher la norme internationale au journal officiel.

- La réciprocité d’application[6] : pour prévaloir sur les lois internes, il faut que la convention internationale fasse l’objet d’une application réciproque par les parties au traité.

B. LES CONDITIONS EXTERNES AU DROIT IVOIRIEN
La norme juridique doit, avant tout, avoir pour objet l’individu. Le droit international commande que la norme porte sur la condition même des individus. 
Il suit de la que la norme internationale, pour qu’elle puisse être applicable en droit interne doit avoir pour objet l’individu en lui conférant des droits ou en mettant à sa charge des obligations. 
C’est une condition indenibliable à l’application du principe de l’applicabilité directe.

Toutefois la norme doit présenter au moins deux caractères intrinsèques dont on peut dire que l'un est subjectif et l'autre objectif.

Dans la condition subjective[7] c’est l’intention des parties au traité qui est recherchée. 
Les auteurs des traités doivent avoir voulu créer des droits et des obligations dans le chef des individus. 
En d’autres termes l’intention de la norme internationale doit être d’accentuer les droits des individus. 
Quant à la condition objective[8], elle commande que la norme internationale invoquée doit être suffisamment clair, précis et inconditionnel. 

Cela résonne mieux dans l’arrêt Demirel lorsque le juge énonce « qu’une disposition d’un accord conclu par la communauté avec des Etats tiers doit être considérée comme étant d’application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise, qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur ».





[1] Voir Thomas Hochman et Jorn Reinhardt, l’effet horizontal des droits fondamentaux, Editions A Pedone, Paris, 2018 
[2] Une opposition doctrinale ; celle-ci oppose les monistes aux dualistes.
[3] Cette théorie est particulièrement explicite chez les théoriciens allemands et italiens de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (tels Triepel, Jellinek et Anzilotti) et articulée sur une conception purement volontariste.
[4] On peut citer Hans Kelsen, Paul Guggenheim, Maurice Bourquin ou Georges Scelle
[5] Article 120 de constitution ivoirienne du 8 novembre 2016
[6] Cette réciprocité n’est pas nécessaire en ce qui concerne les normes internationales relatives aux droits de l’homme.
[7] La condition subjective a vu le jour avec un avis consultatif de la CPJI du 3 mars 1928. Dans cet avis il était question de savoir si des individus pouvaient se prévaloir des normes d’un accord international en droit interne, lorsque leurs droits étaient lésés. Le juge a estimé que pour qu’un tel aménagement soit possible, l’intention des parties au traité est fondamentale. En effet l’intention de la norme internationale doit être d’accentuer les droits des individus. C’est d’ailleurs sur cette condition que la CPJI s’est fondé pour donner sa décision.
[8] L’arrêt Demirel rendu par la cour de justice des communautés européennes (CJCE





BIBLIOGRAPHIE 


· Thomas Hochman et Jorn Reinhardt, l’effet horizontal des droits fondamentaux, Editions A Pedone, Paris, 2018
· David Ruzié et Gérard Teboul, Droit international public, Dalloz, Paris, 2013
· Raymond RANJEVA et Charles CADOUX, Droit international public, EDICEF, Vanves, 1992
· Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international public, Dalloz, Paris, 2018  

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