L’ENRÔLEMENT DES ENFANTS MINEURS DANS LES GROUPES ARMÉS A L’EST DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Par Gabriel AJABU MASTAKI
Master en Droit International Public : Université Espoir d’Afrique, Master
en Droit Judiciaire : Université du Burundi.
Contact : ajabumastaki7@gmail.com
+243973772971
0. INTRODUCTION
La question reste une question d’actualité, mais pour bien la discerner, il convient de commencer par définir certains mots-clés entre autres : enfant soldat, enfant associé à des groupes armées.
- Enfant soldat : Bien qu’il n’y ait pas de définition précise, nous considérons qu’un enfant soldat est toute personne âgée de moins de 18 ans, qui est membre ou est rattachée aux forces armées d’un gouvernement ou de toute autre force armée régulière ou irrégulière, ou d’un groupe politique armé, que l’on soit dans une situation de conflit armé ou non. Les enfants soldats effectuent une série de tâches, notamment : participer aux hostilités, poser des mines et des explosifs ; effectuer des activités d’éclairage ou d’espionnage, jouer le rôle de leurres, de messagers ou de gardes ; participer à des entraînements, à des manœuvres ou d’autres activités ; effectuer des tâches logistiques ou de soutien, jouer le rôle de porteurs, faire la cuisine ou effectuer des tâches domestiques. Les enfants soldats peuvent également être réduits à l’état d’esclaves sexuels ou être exploités à des fins sexuelles1.
- Enfant associé à des forces ou des groupes armés se réfère à toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou utilisée par une force ou un groupe armé à quelque titre que ce soit ; cela comprend de manière non limitative les enfants, garçons et filles, utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou exploités à des fins sexuelles. Ce terme ne se réfère pas uniquement aux enfants qui prennent ou ont pris part directement à des hostilités.
Précisons que les recrutements des enfants dans les forces et groupes armés en ITURI en dépit de la proscription de tels actes par les instruments juridiques tant nationaux qu'internationaux, nous affirmons que ces actes constituent des violations graves des droits de l'homme en général et des droits de l'enfant en particulier.
Cette violation nous pousse à aller plus loin en cherchant à dégager d'emblée, le statut juridique des enfants enrôlés dans les groupes armés, pour qu'en cas de capture de ces derniers par l'ennemi, l'on puisse connaître d'avance le sort à leur réserver.
La participation active d'enfants, garçons et filles, aux hostilités est un aspect particulièrement tragique des conflits contemporains. Ce phénomène est lié moins à des traditions culturelles qu'à des raisons d'opportunité ou à la pénurie de soldats, souvent, une excuse ou un abus de détenteur du pouvoir qui confient à un enfant le travail d'un adulte. Ces enfants soldats ont une formation limitée s'ils en ont une. Il est fréquent qu'on leur donne de l'alcool et de la drogue. Ils sont bien sûr des adversaires redoutables et coriaces. Il faut les affronter, mais, avec les égards voulus et en tenant compte de ce qu'ils vivent.
I. L'ENFANT-PRISONNIER DE GUERRE AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Par prisonnier de guerre on entend généralement les membres des forces armées d’une des parties à un conflit étant tombés aux mains de la partie adverses. Cette définition du prisonnier de guerre englobe différentes catégories de personnes énumérées par l'article 4 de la troisième Convention de Genève du 12 août 1949 portant sur la protection des prisonniers de guerre. Cependant, il n'est cité à aucun moment dans la liste de cet article 4 le mot « enfant » ou « mineur » susceptible de lui octroyer un régime dérogatoire et protecteur.
Le régime juridique applicable à l'enfant-prisonnier de guerre dépend donc implicitement de celui des adultes. Mais il est également tributaire des droits spéciaux prévus par le droit international humanitaire qui protègent l'enfant entant que personne civile particulièrement vulnérable. Si l'enfant-prisonnier de guerre est doublement protégé comme acteur de la guerre d'une part mais aussi comme victime d'autre part, ce n'est que par emprunt et par assimilation à des statuts protecteurs du droit international humanitaire.
Les interrogations liées à l'enfant comme acteur de la guerre ne prenant des dimensions excessives et inacceptables qu'à une époque récente, postérieure à la rédaction de ces Conventions de Genève 4 ; ce n'est que le 8 juin 1977, avec l'adoption des protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949, le premier étant relatif aux conflits armés internationaux, le second aux conflits armés non internationaux, que le problème spécifique de la participation des mineurs aux hostilités va être codifié.
Les protocoles de 1977 additionnels aux Conventions de Genève vont donc être les premiers instruments de droit international à se préoccuper de la participation des enfants aux hostilités ; participation qui peut s'étendre d'une aide indirecte aux combattants jusqu'à l'enrôlement dans les forces armées. Cependant la codification paraît partielle. L'article 77 du premier protocole additionnel ne donne pas satisfaction dans la mesure où il ne prend pas réellement en compte la spécificité de l'enfant-prisonnier de guerre ; les enfants bénéficiant à l'alinéa 3 de cet article « de la protection spéciale accordée par le présent article, qu'ils soient ou non prisonniers de guerre ».En effet, en énonçant dans son article 2 que les parties au conflit doivent « enrôler en priorité les plus âgés » (en parlant des enfants de quinze à dix-huit ans) cela ne révèle t- il pas que même si le droit international humanitaire trouve anormal la participation des enfants aux conflits, il est néanmoins obligé d'accepter cette situation pour leur accorder une protection efficace ?
De la même manière, des enfants de moins de quinze ans prenant part aux hostilités, l'Alinéa 3 de cet article 77 prend en compte cette réalité pour les protéger, notamment lorsqu'ils sont « arrêtés, détenus ou internés pour des raisons liées au conflit armé » en vertu de l'alinéa 4 de cet article 77. Le fait qu'une convention internationale réglemente une situation qui se produirait si un article même de cette dernière venait à être violé ne démontre-t-il pas l'absence d'homogénéité et donc d'efficacité de la protection de l'enfant-soldat prisonnier de guerre par le Droit International Humanitaire ?
L'état actuel du droit international humanitaire suscite donc des
interrogations sur l'efficacité et l'effectivité de la mise en œuvre des
garanties accordées à l'enfant-soldat en tant que prisonnier.
« Les Etats parties prennent toutes les mesures possibles dans la
pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de
quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ».
« Si, dans des cas exceptionnels et malgré les dispositions de l'alinéa 2 de l'Art.39 de la Convention de Genève qui disposent que des enfants qui n'ont pas quinze ans révolus participent directement aux hostilités et tombent au pouvoir d'une partie adverse, ils continueront à bénéficier de la protection spéciale accordée par le présent article, qu'ils soient prisonniers de guerre ou non »
I.A LA PROTECTION DE L'ENFANT-PRISONNIER DE GUERRE EN DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
§1. Les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en Droit International Humanitaire
Ces limites sont dues à la catégorisation actuelle de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en fonction de l'âge (A), mais également au déséquilibre de cette protection au regard de la nature du conflit (B).A. Critiques de la catégorisation de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en fonction de l'âge
Le droit international humanitaire a établi des catégories de protection non compatibles avec la réalité de la guerre (1°). Cependant, ces catégories ont le mérite d'accorder à l'enfant prisonnier de guerre un traitement privilégié (2°).1° Une protection illusoirement tributaire de l'âge ou l'inefficacité de la catégorisation actuelle du statut de l'enfant-prisonnier de guerre
Cette inefficacité de la catégorisation actuelle du statut de l'enfant-prisonnier de guerre s'apprécie aussi bien au regard de la situation de l'enfant de quinze à dix-huit ans (a) que de celle de l'enfant de moins de quinze ans (b).
a. La situation de l'enfant de quinze à dix- huit ans
Enfin, nous pouvons soulever une autre interrogation suite aux propos du rapporteur de la Commission III qui parle des enfants de seize à dix-huit ans alors que le droit international humanitaire semble quant à lui distinguer les enfants de moins de quinze ans et les autres. A quel régime juridique est soumis l'enfant de quinze à seize ans ?
b. Le cas de l'enfant de moins de quinze ans
b.1 Pourquoi n'existe-il pas d'interdiction absolue d'enrôler l'enfant-combattant de moins de quinze ans ?
Selon l'article 77 alinéa 2 du premier protocole additionnel du 8 juin 1977 relatif aux conflits armés internationaux, les Parties au conflit doivent prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui n'ont pas quinze ans révolus ne participent pas directement aux hostilités, notamment en s'abstenant de les recruter dans leurs forces armées ». Cependant la réalité est bien différente comme en Afrique et particulièrement au Soudan par exemple où l'UNICEF a évacué, le 27 février 2007, 2500 enfants-soldats dont certains avaient à peine huit ans6.
La réponse se trouve dans les travaux préparatoires des Conventions de Genève du 12 Août 1949. La Conférence diplomatique, instance chargée du consensus autour des normes de droit humanitaire, a pris en compte le fait que des enfants de moins de quinze ans participent volontairement aux hostilités dans des circonstances extrêmes même s'ils ne se rendent pas toujours compte des enjeux liés au conflit7.
Paradoxalement, cette Conférence diplomatique a donc préféré réglementer un tel état de fait plutôt que d'aller contre la volonté d'enfants de quinze ans de combattre et ce même si ces derniers ne sont pas capables de discerner les raisons du conflit...
b. 2 Une protection bien plus tributaire du droit applicable à la captivité de l'enfant que de son âge
Les enfants de moins de quinze ans, capturés alors qu'ils étaient dans les forces régulières, devraient juridiquement être considérés comme des civils puisque le droit international interdit leur participation au conflit. Pourtant l'intérêt du jeune prisonnier est de se voir attribuer le statut de prisonnier de guerre, avec traitement renforcé en raison de son jeune âge. C'est ce qui se fait en pratique. La protection de l'enfant-prisonnier de guerre (qu'il ait moins de quinze ans ou pas) dépend donc bien plus du droit applicable à la captivité de l'enfant-prisonnier de guerre que de son âge ; âge qui est indifférent pour être enrôlé en tant que soldat ou pas8.
La capture est ainsi l'instant décisif pour l'application du droit international humanitaire selon la présomption posée par l'article. Nous pouvons alors nous demander quelle est l'utilité de ce seuil de quinze ans vus que le droit international humanitaire est logiquement obligé (pourrait- on dire) de protéger les enfants qui ont moins de quinze ans ?
Nous allons voir qu'en réalité l'âge n'est pas une limite pour bénéficier du statut de prisonnier de guerre mais plutôt un facteur pour lui octroyer un traitement privilégié.
2° Pertinence de la protection en fonction de l'âge au regard du traitement privilégié accordé à l'enfant-prisonnier de guerre
a. Les principaux textes juridiques protecteurs
Il n'y a aucune limite d'âge pour être prisonnier de guerre ; l'âge peut seulement être un facteur justifiant un traitement privilégié. C'est ce que rappelle l'article 16 de la troisième Convention de Genève selon lequel toutes les dispositions de la troisième Convention de Genève doivent être reconnues aux intéressés dont l'âge justifie un traitement privilégié.
Ce traitement privilégié est garanti par plusieurs dispositions dont principalement: « Compte tenu des dispositions de la présente Convention relative au grade ainsi qu'au sexe, et sous réserve de tout traitement privilégié qui serait accordé aux prisonniers de guerre en raison de leur état de santé, de leur âge ou de leurs aptitudes professionnelles, les prisonniers doivent tous être traités de la même manière par la puissance détentrice, sans aucune distinction de caractère défavorable, de race, de nationalité, de religion, d'opinions politiques ou autre, fondée sur des critères analogues.
Il convient ainsi d'admettre comme lui que pour cette dernière catégorie, il y aura lieu de se conformer aux habitudes et à la pratique suivie dans les lieux de détention ou de rassemblement des pays intéressés et qu'en cas d'incertitude, c'est l'intérêt des jeunes qui devra primer. L'article 50 de la quatrième Convention de Genève qui prévoit l'interdiction d'enrôler les enfants qui sont sous contrôle d'une puissance occupante. Enfin, l'article 8-1 de la déclaration sur les règles communes minima de traitement des prisonniers de guerre.
b. Le rôle primordial de l'âge en matière d'emprisonnement de l'enfant soldat- prisonnier de guerre comme facteur d'atténuation de sa responsabilité pénale
Cependant, leur responsabilité doit toutefois être appréciée en fonction de leur âge et, en règle générale des mesures éducatives seront imposées et non des peines car on veut éviter que l'enfant soit définitivement perdu par un emprisonnement trop long et peu réparateur.
L'âge a donc un impact positif et indirect sur l'emprisonnement de l'enfant-soldat car sa responsabilité pour les crimes de guerre ou les infractions à la législation sera appréciée en principe en fonction de son âge et des mesures éducatives seront imposés et non une peine.
Lors de ses visites aux camps de prisonniers de guerre, en vertu du mandat qui lui a été confié par les Etats parties aux traités du droit international humanitaire et notamment l'article 126 de la troisième Convention de Genève, le Comité International de la Croix-Rouge veille au respect des règles accordant une protection spéciale aux enfants. Il insiste également sur la prise en compte de leurs aptitudes restreintes en raison de leur âge qui nécessite l'application de mesures plus favorables à leur égard. Cette protection spéciale découle des dispositions de la quatrième Convention de Genève de 1949, qui devraient aussi figurer dans la troisième Convention, et se réfère notamment aux conditions matérielles et morales de l'internement. Ces dispositions sont énoncées aux articles 82, 85 alinéas 2, 89 alinéas 5, 94 et 119 de la quatrième Convention de Genève mais aussi aux articles 50, 51, 68 et 76 de la même Convention s'ils se trouvent en territoires occupés.
En effet, l'absence de statut protecteur propre à l'enfant donne une telle impression.
Si les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre se font ressentir au niveau de la prise en compte de l'âge de ce dernier ; elles apparaissent également au regard de la distinction opérée par les protocoles additionnels du 8 juin 1977 en fonction de la nature du conflit. « Une condamnation à mort pour une infraction liée au conflit armé ne sera pas exécutée contre les personnes qui n'avaient pas dix-huit ans au moment de l'infraction ».
B. Une protection déséquilibrée au regard de la nature du conflit ou la distinction opérée par les protocoles additionnels du 8 juin 1977
1° La prise en compte de l'enfant-prisonnier de guerre par l'article 77 du premier protocole relatif aux conflits armés internationaux
L'article 77 alinéa 4 évoque l'enfant-prisonnier de guerre sans pour autant lui octroyer un statut propre à son emprisonnement, tout comme l'article 77 alinéa 3 qui accorde une protection pour les enfants qui n'ont pas quinze ans « qu'ils soient prisonniers de guerre ou pas » pour reprendre son libellé. Le fait qu'ils soient prisonniers de guerre ou pas n'a pas d'importance : le but est de les protéger. Cela peut paraître louable d'un côté dans le sens où l'enfant pris dans le tourbillon de la guerre doit être protégé.
En effet, n’est-il pas indéniable que l'enfant-prisonnier de guerre a besoin de plus d'attention que l'enfant prisonnier civil qui par exemple en vertu de l'article 82 de la quatrième Convention de Genève a l'avantage, en principe, de devoir être interné avec sa famille.
Au vu de ces dispositions, la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés internationaux paraît limitée ; elle est cependant plus étendue que celle relative aux conflits armés non internationaux, ...
2° Une protection plus synthétique en cas de conflits armés non internationaux
Après avoir montré les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés non internationaux (a), nous étudierons plus spécifiquement le problème posé en matière d'éducation de cet enfant captif (b).
a. Les limites de la protection de l'enfant-prisonnier de guerre en cas de conflits armés non internationaux
Il existe malgré tout une interdiction absolue de recruter et de faire participer aux hostilités des enfants de moins de quinze ans à l'article 4 alinéa 3c du deuxième protocole contrairement lors des conflits armés internationaux où l'alinéa 2 de l'article 77 du premier protocole est moins contraignant en énonçant que : « Les parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ». L'enfant de moins de quinze ans paraît à première vue mieux protégé en cas de conflit armé non international qu'international...
Cependant, le deuxième protocole renvoie à une protection générale11 : la protection de l'article3 commun aux Conventions de Genève (droits minimaux accordés au titre de garanties fondamentales) et celle de l'article 4 alinéa 3d du deuxième protocole prévoyant en effet que « la protection spéciale prévue par le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en dépit des dispositions de l'alinéa précité et sont capturés ».
« Les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités ». Il semble que la protection issue de la transgression de la règle ne peut être que relative pour permettre à cette dernière règle d'être efficace au maximum. Cependant d'un autre côté, prévoir les conséquences d'une éventuelle violation du droit ne tend-il pas, dans un tel cas, à renforcer la protection ?
Pour conclure sur ce point, nous pouvons donc relever que pour les enfants, comme pour les adultes par ailleurs, il est plus dangereux de participer à la lutte interne contre le gouvernement (en termes de protection accordée par le droit international humanitaire) que de défendre les frontières du pays dont la personne est le ressortissant.
b. La nécessaire continuité de l'éducation de l'enfant-prisonnier de guerre
Dans le cas d'un conflit armé international, ce problème se pose de manière moins grave puisque s'il a été recruté pour participer aux hostilités c'est que la situation du pays dont il est le ressortissant est certainement critique (prête à passer aux mains de l'ennemi).
Dans le cas d'un conflit armé non international, on peut légitimement se demander si l'enfant- prisonnier de « guerre civile » ne devrait pas à ce titre bénéficier d'une protection renforcée avec un effort accentué sur l'éducation notamment. Partant du principe qu'il est inadmissible d'envisager la détention d'un enfant comme une parenthèse dans sa maturation physique et intellectuelle, l'article 94 de la troisième Convention de Genève prévoit que de manière générale « l'instruction des enfants et des adolescents sera assurée ». Or la réalité est toute autre aussi bien pendant le conflit, qu'après ce dernier :
-
Pendant le conflit : les forces et groupes
rebelles, dépourvus de reconnaissance juridique se considèrent souvent
étrangers aux obligations prises par l'Etat sur le plan international. Il
est donc difficile que de telles entités non reconnues, acceptent
spontanément d'appliquer les standards internationaux. Ce constat vaut en
l'espèce pour le problème de la continuité de l'éducation de
l'enfant-prisonnier de guerre mais il vaut hélas pour toutes les autres
normes du droit international humanitaire bien plus importantes à
respecter ;
-
Après le conflit (c'est à dire en attente de jugement pour des infractions
liées au conflit) : Au Rwanda, près de 13OO enfants âgées de 14 ans et
plus, accusés de crimes qu'ils auraient commis lors du conflit civil de
1994 étaient encore détenus dans les prisons fin 1996. Même si quelques
340 garçons d'entre eux suivent des cours à la prison centrale de Kigali
sur une initiative de l'UNICEF, la situation est toujours délicate pour
les autres.
Pilar AGUILAR, qui dirigeait la section de l'éducation de l'UNICEF au Rwanda, défendait le droit à l'espoir de ces jeunes prisonniers : « Où qu'ils se trouvent, les enfants ont le droit à l’éducation »12. On pourrait ajouter pour compléter son propos que c'est surtout en prison que l'école est l'une des étapes les plus importantes pour les aider à prendre un nouveau départ dans la vie.
- TRANSITION : La protection de l'enfant-prisonnier de guerre est donc limitée car il ne dispose pas en droit international humanitaire de régime juridique propre à ses besoins d'enfant emprisonné. Cela ne veut pas dire pour autant qu'une telle protection n'existe pas ; mais comme nous l'avons vu en première partie, elle paraît parfois incohérente. Pour pallier de telles limites, la solution demeure d'une part dans la recherche de mesures de substitution à l'emprisonnement et d'autre part dans la mise en œuvre des dispositions les plus protectrices, notamment humaines, du droit international en la matière (2ème partie).
CONCLUSION GENERALE
Par comparaison, ils ont longtemps été relativement épargnés par la violence des armes, le viol et autres formes d'agressions directes. Au cours des dernières décennies, toutefois, la situation s'est gravement dégradée, notamment à cause de la prolifération des armes légères. De nos jours, un enfant de 10 ans peut manier une Kalachnikov, si bien que des centaines des milliers de jeunes ont été enrôlés, souvent sous la contrainte au sein des forces armées.
Le nord-est de la RDC précisément La province d’Ituri, n'a pas été épargné par ce phénomène macabre qui constitue un drame inoubliable contre les règles du DIH et celles des droits de l'homme
En outre, contrairement ou non, ils prennent de plus en plus souvent une part active aux hostilités. A cause de cela, non seulement leur jeunesse est à jamais gâchée, mais leurs chances de réinsertion dans la société sont également gravement compromises. Il s'agit là d'un problème humanitaire, mais qui relève aussi des droits de l'homme
La situation des mineurs dans les conflits armés est particulièrement préoccupante notamment celle des enfants-soldats. Souvent enrôlés de force, ils sont de plus en plus nombreux dans les rangs des armées ou des rebelles et sur les champs de bataille. Dans ce domaine, les textes de droit international humanitaire n'ont pris en compte que tardivement les particularités de l'enfance dans les réponses à apporter.
C'est à la suite de ces conflits de la première moitié du XXe siècle que l'on voit apparaître les prémices d'une protection des enfants-soldats dans les conflits armés.
Depuis mars 2006, de nombreux chefs de guerre ont été arrêtés parmi lesquels Thomas Lubanga Dyilo, dirigeant d'un groupe armé en RDC, et Charles Taylor, ancien président du Libéria14.
L'enrôlement des mineurs est interdit par de nombreux textes internationaux, qu'ils relèvent du droit international humanitaire, du droit des enfants ou des droits de l'homme. Les Droits de l'enfant sont la partie des droits de l'homme expressément consacrée aux enfants. Quant au Droit International Humanitaire ou jus in Bello, c'est celui qui, en cas de conflit armé, règle la conduite des hostilités, les rapports entre les combattants ainsi que leurs relations avec la population civile15.
Pour clore, disons que l’acte qui s’effectue en RDC précisément dans la province d’ITURU est une violation non seulement du droit de l’homme, mais aussi du droit international humanitaire, et donc cet acte nécessite qu’on y mette fin. Nous ne cesserons pas de faire une plaidoirie en faveur de ces enfants mineurs, raisons pour laquelle nous demandons aux dirigeants congolais de bien vouloir observer et appliquer avec rigueur le droit international humanitaire, le droit de l’homme mais aussi le droit de l’enfant.
RÉFÉRENCES :
- Document présenté au Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés : COALITION POUR METTRE FIN À L’UTILISATION D’ENFANTS SOLDATS
- LOBI LOBU KYAHURWA KAALI, J., Le phénomène de l'enfant soldat face à la protection des droits de l'enfance : Cas de la RDC, Mémoire Inédit, Sous la direction du Professeur Ordinaire DIKETE ONATSHUNGU Michel, ULPGL/Goma, Faculté de Droit, 1999-2000, pp. 1-5
- P. KOUEVI., Les mots de notre engagement, Afrique espoir, Kinshasa, 2006, p.114.
- C.P/J.P., « Commentaire sur l'article 77 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.1), 8 juin 1977 », disponible sur http://www.icrc.org/dih.nsf/, consulté le vendredi le 02 Avril 2021 à 9h30
- AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2000, Editions francophones d'Amnesty International, 2000, p.98.
- Presse internationale., « L'UNICEF évacue par avion 2500 enfants soldats démobilisés des zones de combat du Soudan », Communiqué de presse, Page 8, disponible sur http://unicef.org/french/newsline/htm,consulté le vendredi 02 Avril 2021 à 09h03
- C.P/J.P., « Commentaire sur le paragraphe2 de l'article 77 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.1), 8 juin 1977 », disponible sur http://www.icrc.org/dih.nsf/, consulté le samedi le 09 Avril 2021 à 11h30.
- C.P/J.P., Op.Cit., p.5.
- AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2000, Editions francophones d'Amnesty international, pp.97-98.
- Ibidem.
- F.BOUCHET-SAULNIER., Op.Cit., pp.180-181.
- V. GRAHAM, « Rwanda : l'école derrière les barreaux », in Education For All 2000 (Education pour tous), Janvier-mars 1997, n°26, UNESCO, p.5.
- CICR, « Les enfances volées », in image de la guerre, n°3, CICR, Genève, 1998, p.17.
- Voir le rapport de la CPI ; L'un est le premier prévenu arrêté et remis à la Cour pénale internationale (CPI) depuis l'entrée en vigueur de son statut le 1er juillet 2002. Il n'est poursuivi que pour enrôlement, conscription et participation active d'enfants aux hostilités. L'autre, premier chef d'État africain à comparaître devant une juridiction internationale, a été extradé et remis au Tribunal spécial pour la Sierra Léone (TSSL). De nombreuses charges sont retenues contre lui, dont le recrutement d'enfants-soldats.
- Il est constitué par les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles de 1977, textes dans lesquels ont été posées les bases de la protection des mineurs-soldats. Bien que violé par certains pays à l’occurrence la République démocratique du Congo, et comme nous l’avons bien souligné dans notre travail, et ne pas s’y focaliser serait faire un travail vain.
BIBLIOGRAPHIE 1.
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2. Protocole relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, CICR, Genève, 8 juin 1971.
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7. Loi n° 09/001 du 1O Janvier 2009 portant Code de protection de l'enfant, in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, 50e année, n° spécial, Kinshasa, 12 Janvier 2009.
8. Décret portant enfance délinquante, in Bulletin Officiel, 1951, modifié par Ordonnance-Loi, n° 78 -016 du 04 juillet 1978 et l'Ordonnance-Loi n° 82-020 du 31 Mars 1992.
2. OUVRAGES
1. BOUCHET-SAULNIER, F., Dictionnaire pratique du droit humanitaire, La Découverte, Paris, 1998.
2. BOUCHET-SAULNIER, F., Dictionnaire pratique du droit humanitaire, 3è éd., la Découverte, Paris, 2006.
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5. CICR, Commentaire de la IIIè Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, CICR, Genève 1949.
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7. CICR, Les nouveaux fléaux de la guerre, CICR, Genève, 1998.
8. CICR, Les règles essentielles des Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels,
CICR, Genève, sept 1983-1990.
9. CORNU, G., Vocabulaire juridique, Quadrige, 7è éd Paris, PUF, 1998.
10. DE QUIRINI, P., Des lois pour les jeunes, 1ère éd., CEPAS, Kinshasa, 1989.
11. GUILLIEN, R et VINCENT, J., Lexique des termes juridiques, 11e éd. Dalloz, Paris, 1999. 12. HUET, A., et KOERING-JOULAI, R., Droit pénal international, Paris, PUF, 2005.
13. KALSHOVEN, F., Restrictions à la conduite de la guerre, CICR, Genève, 1991.
3. REVUES ET ARTICLES
1. ASADHO, « Le Gouvernement Congolais viole ses obligations internationales relatives à la protection des droits de l'enfant », in Sociétés et Jeunesses en difficulté, PDH, N° Spécial, Juin 2008.
2. AUDOIN-ROUSSEAU, S., « Quand les enfants font la guerre », in l'Histoire, n°169, Septembre, 1993.
3. BARBANCEY, P., « le calvaire de Mansour », in L'Humanité, n° 17, 19 juin 2001.
4. BOUCAUD, P., « Droit des enfants en droit international- traités régionaux et droit humanitaire », in Revue trimestrielle des droits de l'homme, n° 32, Septemmbre 1992.
5. DULTI MARIA, T., « Enfants combattants-prisonniers », in Revue internationale de laCroix- Rouge, n° 785, 31 octobre 1990.
6. GENESIO, U., « L’implication des enfants dans les conflits armés », in Les Petites Affiches, n° 237, 29 novembre 1999.
7. GRAHAM, V., « Rwanda : l'école derrière les barreaux », inEducation For All 2000 (éducation pour tous), n°26, UNESCO, Janvier-Mars 1997.
8. KALONJI, A., « La protection des enfants au cœur des premières poursuites intentées devant la Cour pénale internationale et le tribunal spécial pour la Sierra Leone », in Revue pluridisciplinaire de recherche, N° 6, Automne 2008.
4. SOURCES ELECTRONIQUES
1. C.P/J.P, Commentaire de l'Article 77 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (PI) du 8 juin 1977, disponible sur http://www.icrc.org/dih.nsf/.
2. CICR, Convention relative aux Droits de l'Enfant, Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, disponible sur http://www.unicef.org/french/crc/convention.htm.
3. CICR, Droit International Humanitaire, Etats Parties et Etats signataires par traité, disponible sur http://www.irc.org/dih.nsf/.
4. UNICEF, Convention relative aux droits de l'enfant, Protocole facultatif concernant le relèvement de l'âge minimal d'enrôlement dans les forces armées, disponible sur http://www.unicef.org.protocolefacultatif.htm.
5. UNICEF, Interdiction de l'enrôlement avant 18 ans, l'UNICEF salue l'accord sur l'interdiction de l'enrôlement avant dix-huit ans, disponible sur http://www.unicef.org.htm.
6. UNICEF, l'UNICEF évacue par avion 2.500 enfants-soldats démobilisés des zones de combat du Soudan, communiqué de presse, disponible sur http://unicef.org/french/newsline/htm..
5. RAPPORTS :
1. AMNESTY INTERNATIONAL, Rapport 2000, Editions francophones d'Amnesty International, 2000.
2. ASADHO, Rapport circonstanciel à l'occasion de la journée internationale de l'enfant africain, 2007.
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