La loi, une notion méconnue ?
Depuis la nuit des temps, les êtres humains cohabitent en société. Cette cohabitation est marquée par les différentes et diverses relations qui les lient les uns envers les autres. Dans ces relations, naturellement, des conflits naissent.
La loi, une notion méconnue ?
Article écrit par Abdoulrahimy DIALLO, juriste d’affaires à Dakar.



Depuis la nuit des temps, les êtres humains cohabitent en société. Cette cohabitation est marquée par les différentes et diverses relations qui les lient les uns envers les autres. Dans ces relations, naturellement, des conflits naissent. Ces conflits découlent, pour la plupart, soit du non-respect des engagements, soit de l’incompréhension, soit de l’intolérance, soit de l’ignorance. Cela dérive de la nature des choses.
C’est pourquoi, dans le but d’encadrer les rapports que tous les hommes ont entre eux, des lois sont édictées dans tous les domaines. Ces lois ont pour vocation première : l’organisation d’une vie en société paisible où toutes les libertés sont aménagées ; où toute relation humaine, dans sa quintessence, est normalisée.

Du fait que des règles de conduite sociales soient édictées dans nos sociétés, tous les jours, le terme « loi » est porté par toutes les lèvres. Les profanes comme les initiés parlent de loi. Cela est tout à fait normal d’autant plus que la vie s’articule autour de ces lois.
Bien que le terme soit connu et que tout le monde en parle, sa substance n’est pourtant pas bien appréhendée par tous. C’est pourquoi, dans la logique d’apporter un enseignement relatif à la notion, il nécessite de répondre à la question suivante : qu’est-ce que la loi ?

En effet, Montesquieu écrivait que « la loi, en général, est la raison humaine, en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre. » Les différentes finalités de la loi donnent à cette maxime toute sa véracité.
Tout d’abord, la loi vise à assurer, en toute circonstance, l’ordre social, dans le but d’éviter l’arbitraire. Ainsi, elle régit, sur tous les plans (politique, économique, social, etc.), les rapports entre les individus d’une part, et les relations entre ces derniers et la société d’autre part. Dans ce cas, la loi tant non seulement à la protection de l’intérêt général, mais aussi de l’intérêt personnel.

Ensuite, la loi vient organiser la société en mettant en place tout un arsenal de dispositions permettant de maintenir l’équilibre entre les individus en garantissant la justice pour tous. Sur ce volet, la loi protège tous les citoyens contre les atteintes portées à leur personne et à leurs biens.
D’une manière générale, la loi « … recouvre toutes les dispositions émanant de l’autorité publique qui présentent un caractère général, impersonnel et obligatoire et qui ont de ce fait une valeur normative en ce sens qu’elles posent une règle, source de droits et de devoirs. » (Jean-Luc AUBERT et Éric SAVAUX, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 17ème éd., 2018, SIREY, P. 67).

Pour plus de simplicité, la loi désigne les règles de droit adoptées soit par le peuple par référendum (ex : la constitution), soit par l’Assemblée nationale (ex : le Code civil) dont le but est l’organisation de la vie en société. « Ces règles » doivent être respectées sous peine de sanction devant les cours et tribunaux. D’où, la violation de la règle de droit est sanctionnée par les cours et tribunaux par le biais des magistrats commis à cet effet car, l’article 2 de la loi n° 2015/019/AN du 13 Août 2015 portant organisation judiciaire en République de Guinée dispose que « Pour rendre la justice sur toute l’étendue du territoire de la Guinée, il est créé des juridictions ordinaires ou de droit commun et des juridictions d’exception. »
Il nécessite, à cette phase de l’analyse, d’aborder l’élaboration et l’application de la loi (I), avant de porter l’accent sur les caractères de la règle de droit (II).

I) De l’élaboration à l’application de la loi
La loi est édictée pour qu’elle fasse objet d’application. Parce que son but est de régir la vie en société. Une vie où l’ordre et la quiétude doivent indéniablement et absolument régner.

A) De l’élaboration de la loi

La loi est élaborée suivant un long et strict processus. La durée d’élaboration d’une loi peut s’étendre sur une longue période. Toutes les étapes doivent être scrupuleusement respectées. Ces étapes sont :

Primo : l’initiative de la loi
La volonté d’édiction d’une loi peut émaner soit de l’exécutif (le gouvernement ou un ministre), soit de l’Assemblée nationale (un député ou un groupe de députés). Quand l’initiative émane de l’exécutif, on parle de projet de loi. Par contre, on parle de proposition de loi, lorsque l’initiative vient de l’Assemblée nationale.
Très souvent, certaines personnes posent la question de savoir pourquoi un simple particulier ne peut prendre l’initiale de « proposer » une loi. C’est une question tout à fait normale. Pour réponse, il faut souligner que l’alinéa 1 de l’article 2 de la constitution guinéenne de 2010 dispose que « la souveraineté nationale appartient au Peuple qui l’exerce par ses représentants élus ou par référendum. » Comme tout le monde ne peut pas siéger à Assemblée nationale, le droit pour les particuliers de proposer des lois est transféré aux députés qui sont les représentants légaux du Peuple.

Secundo : le dépôt du projet ou de la proposition de loi 
En République de Guinée, le projet ou la proposition de loi est déposé (e) à l’Assemblée nationale. C’est cette Assemblée qui est chargée non seulement d’examiner la loi mais aussi de l’adopter. 

Tertio : l’examen de la loi
Quand le projet ou la proposition de loi est soumis (e) à l’Assemblée nationale, cette dernière est chargée d’examiner de fond en comble le texte. Pour ce faire, le texte sera orienté à une commission compétente dans le domaine concerné. A défaut, une commission spéciale sera créée pour examiner le texte.
En tout état de cause, la commission saisie à cet effet peut solliciter les avis et opinions des experts en la matière. Ces experts sont le plus souvent des praticiens du droit.

Quanto : l’adoption de la loi
Après l’examen du projet ou de la proposition de loi, le texte est soumis aux députés pour adoption. L’adoption de la loi est l’acquiescement du texte par les députés. Cet acquiescement s’exprime par le vote.

Quinto : la promulgation de la loi
La promulgation relève des pouvoirs du Président de la République. C’est l’acte par lequel le Président de la République constate l’existence d’une loi et la rend exécutoire. Au sens de l’article 78 de la constitution de 2010, le texte de loi adopté par l’Assemblée nationale est soumis au Président de la République. Ce dernier a dix (10) jours pour la promulgation.

Cette promulgation peut être suspendue, notamment, lorsque la Cour constitutionnelle est saisie pour un contrôle de constitutionnalité de la loi. C’est le contrôle à priori. La saisine doit intervenir dans les huit (8) jours francs qui suivent l’adoption de la loi. La Cour peut être saisie soit par le Président de la République, soit par un dixième au moins des députés, soit par l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (INIDH).

Sexto : la publication de la loi
La publication est l’acte par lequel le texte promulgué est imprimé et publié au journal officiel de la République. A partir de la publication de la loi au journal officiel, la population devient au courant de son existence. De là, elle entre en vigueur et devient opposable.

B) De l’application de la loi
La loi, une fois publiée au journal officiel, s’applique sur toute l’étendue du territoire national suivant des modalités. L’explication de l’application de la loi tourne autour de deux paramètres :

Premièrement : l’application de la loi dans le temps
La loi s’applique dans le temps. D’où le caractère permanent de la règle de droit. Cette application dans le temps comporte un principe et des exceptions : 

- Principe

La loi ne dispose que pour l’avenir. Elle ne peut donc rétroagir c’est-à-dire, elle ne s’applique pas aux faits qui se sont produits avant son entrée en vigueur. Donc, la loi ne s’applique qu’aux faits qui se sont produits à partir de son entrée en vigueur.

Ce principe montre une sécurité juridique en ce sens qu’il est illogique d’admettre, de manière générale, la rétroactivité des lois. Admettre cela, c’est reprocher illégitimement les individus d’avoir respecté une loi ancienne. Il n’y a pas de logique dans ce cas sous réserve de la loi directement rétroactive qui ne peut concerner une loi pénale plus sévère.

- Exceptions 
D’une part, les lois interprétatives (une loi qui vient préciser ou compléter une loi déjà existante) peuvent rétroagir.
D’autre part, la pénale la plus douce peut rétroagir pour s’appliquer aux infractions pénales commises avant son entrée en vigueur. Cette exception ne s’applique que lorsque l’infraction n’a pas été définitivement jugée.

Deuxièmement : l’application de la loi dans l’espace
La loi adoptée par l’Assemblée nationale, promulguée par le Président de la République et publiée au journal officiel s’applique uniformément sur toute l’étendue du territoire national.

Cependant, certaines situations d’extranéité font de telle sorte que les lois dépassent la compétence territoriale nationale pour s’appliquer sur d’autres terres. C’est le cas des conflits de lois posés et réglés par le droit international privé. Il peut s’agir à titre illustratif, de l’hypothèse où une infraction est commise dans une ambassade de la République de Guinée ; ou encore une citoyenne guinéenne qui veut se marier à l’étranger.

II) Les caractères de la loi
Les caractères de la loi montrent la singularité du droit. De prime abord, faut-il noter que la loi a un caractère général et impersonnel (A) mais aussi, un caractère obligatoire et permanent (B).

A) Le caractère général et impersonnel de la loi
Il convient d’analyser la généralité de la loi avant d’examiner son impersonnalité. Tout d’abord, la loi a un caractère général dès lors qu’elle est créée pour tous les citoyens, sans exception. A partir du moment où la loi entre vigueur, elle s’impose à tout le monde, aux gouvernants comme aux gouvernés. Ainsi, nul n’est sensé ignoré la loi dit-on.

En ce qui touche l’impersonnalité de la loi, il nécessite de faire mention qu’elle n’est pas édictée à l’image d’une seule personne mais à l’image de tous les citoyens. Elle n’est donc pas créée en considération d’une religion, d’une région, d’une ethnie mais en considération des besoins de toute la société dans son ensemble. De ce fait, la loi, dans son esprit et dans sa lettre, ne vise aucun individu.
A titre indicatif, l’article 12 du Code Civil dispose qu’« On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. » Suivant cet article, ‘’on’’ désigne l’ensemble des sujets de droit établis dans la société.

Toutefois, ce caractère général et impersonnel reste un « principe » en ce que certaines lois ne visent qu’une catégorie de personnes. Il s’agit par exemple des lois spécialisées comme le Code du Travail (qui traite des relations entre employeur et salarié), le Code de l’Enfant Guinée (qui ne concerne que la situation de l’enfant, notamment ses droits et devoirs), le Code des Assurances (qui traite de l’assurance dans sa globalité, notamment les liens de droit entre les assureurs et les assurés), l’Acte Uniforme de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires relatif au Droit Commercial Général (qui règlemente l’activité commerciale dans l’espace l’OHADA). Dans ce cas d’exception, la généralité de ces lois s’explique par le fait qu’elles s’appliquent à toutes les personnes concernées.

B) Le caractère obligatoire et permanant de la loi
Sur ce point, tout individu est dans l’obligation inconditionnelle de respecter scrupuleusement la règle de droit. Ce caractère coercitif du droit signifie que la loi s’applique sans faculté de négociation sous peine de sanction.

En l’absence de la contrainte que la loi peut infliger aux transgresseurs, elle ne pourrait assurer le maintien de l’ordre dans la société. La loi est alors, dans sa singularité, le commandement dont l’application n’est pas laissée au bon désir des justiciables.

Cependant, il est important de préciser que certaines lois sont impératives alors que d’autres sont supplétives. La loi est impérative lorsque son respect stricto sensu est totalement et fondamentalement obligatoire. C’est le cas par exemple de l’article 10 du Code Civil qui dispose que : « Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi pour déni de justice. » Il ressort de cette disposition que le juge a l’obligation de juger, même en cas de silence de la loi.
Aussi, comme exemple de règle impérative, l’article 5 du Code Pénal dispose que : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi. » Cette disposition est aussi obligatoire.

A l’inverse, la loi est supplétive ou interprétative lorsque le sujet de droit a la faculté de faire un choix dans son application. Par exemple, en termes de mariage, les époux ont la liberté de faire un choix du régime matrimonial qui leur est convenable.

Par ailleurs, la loi a un caractère permanent c’est-à-dire, elle s’applique pleinement de son entrée en vigueur jusqu’à son abrogation. En ce sens, la loi s’applique tant qu’elle n’est pas abrogée. 



L’abrogation c’est l’arrêt de l’application de la loi grâce à l’édiction d’une nouvelle loi. Elle est soit expresse (lorsque le texte nouveau décide formellement que tel texte ancien est abrogé) ou tacite (lorsque les dispositions d’une nouvelle loi sont incompatibles avec celles d’une loi ancienne ayant le même objet).

En définitive, Montesquieu disait : « il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Nous devons tous connaître nos lois pour pouvoir exprimer notre liberté ; la liberté étant la faculté pour tous les individus d’agir en fonction de leurs volontés tout en respectant les lois. 



NUL N’A LE MONOPOLE DU SAVOIR, TOUT EST CRITIQUABLE, TOUT EST DISCUTABLE.

Article écrit par Abdoulrahimy DIALLO, juriste d’affaires à Dakar.

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