LE MAROC ET LES CONVENTIONS DES DROITS DE L’HOMME

Le respect des droits de l’homme s’est toujours posé avec acuité dans le régime politique marocain (torture, détention arbitraire, etc.)

Par MOUNTASIR Ahmed, Etudiant
Le Maroc et les Conventions des Droit de l’Homme

Le respect des droits de l’homme s’est toujours posé avec acuité dans le régime politique marocain. Les associations de défense des droits de l’homme aussi bien nationales qu’internationales ont toujours soulevé les questions relatives à la torture, à la détention arbitraire, à la disparition des opposants politiques…

Grace à Amnesty international et aux militants nationaux des droits de l’homme, l’opinion internationale apprenait vers la fin des années 1980 l’existence d’un camp secret de détention arbitraire sous le nom de « Tazmamart » dans lequel étaient détenus les militaires ayant participé aux deux tentatives de coup d’état contre le roi Hassan II en 1971 et 1972.

Avec quelques exceptions notables, le Maroc a ratifié les principales conventions relatives aux droits de l’Homme. Cependant cette acceptation souffre des limites relatives au statut des conventions dans la Constitution marocaine et de la non acceptation de la compétence des organes de surveillance de certaines conventions de recevoir des communications individuelles.

1-Les conventions internationales ratifiées par le Maroc.


Après son indépendance en 1956, le Maroc a commencé par ratifier certaines conventions sans grandes incidences ou contraintes pour les pouvoirs publics en matière de politique interne des droits de l’Homme, telles les Conventions de Genève (1956), la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (1958) et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1969).

Un premier pas en avant a été fait en 1979 avec la ratification des deux Pactes sur les droits économiques, sociaux et culturels et sur les droits civils et politiques.
Cette avancée a été facilitée par une ouverture relative du système politique après les années noires (1959-1977), marquées par une répression féroce contre le mouvement social et l’opposition de gauche en particulier.
Après de longues années, une seconde étape a été franchie avec la ratification en 1993, à l’occasion de la conférence de Vienne sur les droits humains, de quatre conventions de grande portée (CAT, CEDAW, CRC, Convention sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (14/06/1993), voir tableau récapitulatif) ; cette avancée avait était rendue possible par les changements intervenus au niveau international (chute de mur de Berlin, pressions internationales) et au niveau interne, en particulier ceux initiés par les luttes menées par le mouvement des droits humains (Ligue Marocaine des Droits de l’Homme, Association Marocaine des droits humains), avec l’appui des ONG internationales.
La création de l’Organisation Marocaine de Droits Humains (OMDH) en 1988 dynamisa également tout le mouvement des droits humains. 


A ceci s’ajouta la montée des revendications des syndicats, des partis de l’opposition et du militantisme féminin en faveur de réformes politiques et sociales, à la fois au niveau constitutionnel et législatif. 
La majorité des conventions de l’Organisation international du travail a été ratifiée par le Maroc, à l’exception de l’une des conventions les plus importantes, la Convention nº 87 sur le droit syndical (non ratifiée principalement en raison de l’interdiction expresse de ce droit aux magistrats). 
Les organisations de défense des droits humains ont appelé le Maroc à ratifier d’autres conventions importantes pour l’amélioration du statut de la magistrature et du système de protection pénal des droits humains, notamment le traité de Rome sur la Cour pénale internationale que la Maroc a signé en septembre 2000.
Cet appel a été renforcé par une recommandation en ce sens de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) dans son rapport final.

Il en va de même de la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 20 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies, ainsi que des Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture. 
Il est à noter que la mission permanente du Maroc au Nations unies avait déclaré, dans une lettre adressée au secrétariat des Nations unies le 17 avril 2006 à l’occasion de la candidature du Maroc au Conseil des droits de l’Homme, que le Maroc « s’engage solennellement à assurer la ratification ou l’adhésion aux rares instruments des droits de l’Homme auxquels le Maroc n’est pas encore partie (…), y compris la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » (à l’époque en phase de finalisation aux Nations unies).

Depuis, le Maroc a été élu au Conseil des droits de l’Homme, mais la ratification tarde à se concrétiser. Or, cette convention est très importante eu égard à la pratique des disparitions dans l’histoire récente du Maroc, y compris dans le cadre de la lutte anti-terroriste, en particulier depuis les attentats terroristes du 16 mai 2003.

2-Les limites de l’adhésion aux conventions internationales.


Ces limites sont dues au statut ambigu des conventions internationales dans la Constitution marocaine et à la non-acceptation de la compétence des organes de surveillance de recevoir des communications individuelles pour certaines conventions.

Le statut ambigu des conventions internationales dans la Constitution de 1996 Les dispositions constitutionnelles relatives au statut des normes internationales se trouvent dans le préambule et l’article 31 de la Constitution marocaine de 199614. 
Il est en particulier énoncé dans le préambule : « Conscient de la nécessité d’inscrire son action dans le cadre des organismes internationaux, dont il est membre actif et dynamique, le royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant des chartes dédits organismes et réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus ». 
Le Roi fit de son coté une déclaration très importante en 1999, allant dans le même sens. 
La valeur juridique contraignante de cette affirmation pour le législateur, l’administration et le juge reste toutefois à démontrer.

Pour le législateur cette affirmation ne peut s’imposer que s’il existe un contrôle renforcé de la constitutionnalité des lois, doublé d’une justice constitutionnelle à même de contrôler les lois qui lui sont soumises dans l’esprit de la norme internationale. 
Or, ces deux conditions font défaut dans le cas marocain. 


Seuls le Roi, les présidents des deux chambres du Parlement ou le quart de l’une ou de l’autre chambre peuvent déférer une loi ordinaire devant le Conseil constitutionnel. 
Ainsi, une minorité de parlementaires ne pouvant rassembler le nombre de signatures requis (soit 82 signatures sur 325 à la Chambre des représentants et 68 signatures sur 270 à la Chambre des conseillers) ne peut saisir le Conseil constitutionnel d’une loi qu’elle considère inconstitutionnelle. 
La pratique du consensus législatif peut aussi conduire à l’adoption de lois inconstitutionnelles, comme l’illustre l’adoption en février 2006 d’une loi sur les partis politiques, qui remplace le système de déclaration par un système déguisé d’autorisation, octroyant ainsi au ministère de l’Intérieur des pouvoirs exorbitants lui permettant d’empêcher la formation de nouveaux partis.

D’autre part, la jurisprudence du Conseil constitutionnel marocain a fait preuve de peu audace. 
Lorsqu’il a eu l’occasion d’invalider des lois au nom des normes universelles des droits de l’Homme, le Conseil s’est en général contenté d’invoquer quelques articles de la Constitution, mais ne s’est pas fondé sur le préambule. 
Pour l’administration comme le pouvoir exécutif en général et pour le juge ordinaire, le préambule de la Constitution ne saurait prévaloir sur une loi interne en vigueur, que le législateur n’a pas estimé nécessaire de mettre en conformité avec la norme internationale.

Ceci est autant plus vrai que l’article 31 de la Constitution ne clarifie pas la hiérarchie des normes en cas de conflit : « [le Roi] signe et ratifie les traités. Toutefois les traités engageant les finances de l’État ne peuvent être ratifiés sans avoir été préalablement approuvés par la loi. (al. 2). 
Les traités susceptibles de remettre en cause les dispositions de la Constitution sont approuvés selon les procédures prévues pour la réforme de la Constitution. (alinéa. 3) ».

Ainsi, et dès lors que rien dans la Constitution ne confirmant que les traités ont une valeur supérieure à la loi interne, une clarification constitutionnelle s’impose. 


Cela est d’autant plus vrai qu’il est peu probable que le Conseil constitutionnel prenne l’initiative d’affirmer la suprématie des normes internationales, notamment en matière de droits de l’Homme dès lors que cette question se pose de la manière la plus criante dans les affaires à caractère politique qui mettent en jeu des lois ou des dispositions liberticides tels certains articles du Code de la presse, de la Loi relative au terrorisme ou de la Loi sur les partis politiques.

Le Maroc a recouvré son indépendance en 1956 .son système juridique que la France avait implanté au temps du Protectorat, s’est progressivement autonomisé . Certes le Maroc a en toute souveraineté continué à s’inspirer parfois de la législation ou de la jurisprudence françaises mais la volonté d’adapter les outils juridiques et les techniques normatives l’a peu à peu emporté .

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Références :
-Les rapports de la FIDH (février 2004), d’Amnesty International (juin 2004), HRW (octobre 2004) concernant les enlèvements de présumés terroristes par les services secrets avant leur présentation devant la police judiciaire.
-Constitution et consultations populaires au Maroc 1970- Michel ROUSSET -4 éditions.
-Développements récents de l’exception d’illégalité au Maroc 1966 .1 édition.
-La constitution au maroc 2011.
-Méthodes des sciences sociales –TOM – édition 1995.
-Le royaume du Maroc , Berger levrault 1978.

Par MOUNTASIR Ahmed, Etudiant

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